« Salut Seb, racontes nous un peu ton enchaînement : Pourquoi as tu choisi ces 2 faces :
Pour moi, à Chamonix, la face Nord des Jorasses est un super terrain de jeu. De plus je n’avais jamais fait d’ascension dans cette face à la journée. L’idée de faire rapidement une voie en bonnes conditions était tentante. Par la suite, la météo semblait tenir. Le Cervin étant la dernière des 3 faces nord mythiques que je n’avais pas grimpé (ndlr : Trilogie Jorasses-Cervin-Eiger), j’étais très motivé. Partir à l’aventure dans un endroit que je ne connais pas est toujours excitant.
– Revenons sur les itinéraires. Ce sont des lignes que tu envisageais comme projet depuis longtemps, ou ce sont les conditions du moment qui ont guidées ton choix ?
Pour la « Polonaise » aux Jorasses ce sont les conditions du moment. C’est une voie que j’ai toujours eu envie de faire depuis la combinaison réalisée par Steph Benoist et Patrice Glairon-Rappaz (ndlr « Combinaison Polonaise » le 12 Septembre 2007 par ces 2 alpinistes, guides et formateurs pour les jeunes du Caf Excellence Alpinisme). Pour la « Cerruti-Gogna » c’est plus un concours de circonstances. On voulait faire la « Schmidt » qui était en super conditions, mais on voulait aussi découvrir cette face nord du Cervin et non suivre les traces. J’ai appelé Marco Farina et François Cazzanelli (du GMHM Italien). Ils m’ont bien briefé sur les conditions et l’itinéraire. J’ai bien aimé leur conclusion : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, alors c’était partit pour le nez de Zmutt.
– Avec qui as tu grimpé ces 2 voies ? Le choix du partenaire de cordée est-il important pour toi, ou c’est plus la ligne qui t’intéresse ?
Pour moi le choix du partenaire de cordé est primordial. Je n’avais cependant jamais grimpé en montagne avec Julien Ravanello. On s’est testé aux Jorasses. On fonctionnait bien. La suite au Cervin était plus engagée, une vraie grande course. Tout a bien roulé, nous nous sentions bien et voilà ! En montagne, c’est surtout le feeling du moment qui compte pour moi .
– Je ne sais pas si tu le fais exprès, mais tu t’arranges toujours pour grimper chacun de tes nouveaux sommets par la voie la plus dure ou une voie très difficile. Par exemple la première fois que tu vas au Mont-Blanc, tu choisis le « Pilier du Freney ». Ta première voie aux Jorasses t’emmène dans « No Siesta ». La semaine dernière, tes premiers pas au Cervin te guident dans la voie historique du nez de Zmutt… Tu ne pourrais pas faire des voies normales, comme tout le monde ?
Ce que je cherche c’est une aventure en cordée, une ligne logique d’ascension et un lien avec l’histoire. L’itinéraire que je choisi doit toujours me faire rêver.
– Dernièrement, une préparation physique et mentale, ainsi qu’un entrainement plus rigoureux sont mis en place au Groupe. Qu’en penses tu ?
Depuis 7 ans que je suis au Groupe, le fil conducteur est d’améliorer notre niveau dans tous les domaines de la montagne. Cette année nous essayons de structurer notre entrainement de manière à envisager des projets d’envergure avec plus de sérénité.
– Récemment la diététique est devenue une priorité pour les Alpinistes du GMHM. Ils font plus attention à leur alimentation avant/pendant et après une course en montagne. Peux tu nous dire ce que tu as emporté comme vivre de courses pour le Cervin et comment t’alimentais tu ?
Nous essayons un régime alimentaire sans gluten, sans lactose et sans sucre rapides. Nous utilisons des produits naturels, non transformés. Ainsi j’ai utilisé différents types de céréales et des fruits secs. Le repas du soir était constitué de Polenta, soupe et chocolat noir.
– Sans parler de course au poids. J’ai l’impression que tu es très méthodique sur la préparation de ton sac pour la montagne. Qu’avais tu emporté comme équipement pour ces 2 ascensions ?
C’est vrai que je suis très à cheval sur le poids… Pour moi la légèreté est synonyme de fluidité, rapidité et donc plaisir. Je n’aime pas les compromis et au niveau vêtements je portais toutes les couches sur moi, pour ne pas avoir de surpoids dans le sac. Grâce à tous ces petits détails nous n’avons pas hissé de sac et nous avons grimpé la majeure partie de la voie en libre.
– Une petite anecdote sur les matelas de bivouac pour le Cervin ?
J’ai même poussé le vice jusqu’à ne pas emporté de tapis ☺ En vrai, on les avait oublié… Nous avons récupéré 2 petits coussins au petit refuge Bossi que nous transportions pour isoler nos fesses au bivouac. A la descente nous avons bien reposé les petits coussins au refuge-bivouac Bossi !!
– Tu es bien calé sur la manière de préparer des grandes courses, mais comment récupères-tu après une semaine comme ça ? Relaxation, sauna, massage … ?
Pour moi, une grande partie de la récup’ est dans le sommeil. Cette semaine nous nous levions parfois à 2h du matin et grimpions toute la journée jusqu’à minuit !!! Il faut maintenant retrouvé un rythme calé sur les heures de jour. Après il faut aussi savourer. C’est important. J’écoute pas mal mon corps. Je mange bien à tous les repas, fais quelques étirements… La préparation physique mise en place au Groupe et toutes ces dernières années de « montagne intensive » m’aident à récupérer assez rapidement.
– Une question plus ouverte pour terminer : Avec les bonnes conditions du moment, vous avez croisé de nombreuses cordées dans les Jorasses ainsi qu’au Cervin. Ces voies pourtant réputées difficiles et engagés sont grimpées par 10 cordées dans la même journée. Qu’en penses tu ? Comment vois tu le futur et l’évolution de l’alpinisme ?
D’abord il faut remettre les choses à leur place. Chaque ascension est tributaire des conditions. C’est encore plus vrai en glace. Si cet automne grimper la « McIntyre » n’avait rien d’exceptionnel; cette voie reste une grande course engagée. Avant qu’il n’y ait des marches, les alpinistes ne s’y pressaient pas trop ! Au Cervin nous nous sommes éloignés de la classique pour vivre notre petite aventure. Chercher, trouver s’immerger. La montagne doit rester un espace de liberté, à chacun d’y trouver sa voie ».
Merci Seb, et bravo pour ce bel enchaînement. Bonne continuation et bon vent pour les projets de l’hiver. Je pense qu’on peut conclure par « Mens sana in corpore sano ».
Interview réalisée par le chasseur Antoine Bletton.