Présentation
C’est une équipe de 5 hommes, (la même équipe que le Pôle Nord, enrichie du Capitaine Thierry Bolo) qui réalisa ce déplacement pendant 50 jours du 21 Novembre 1998 au 9 Janvier 1999. Fort d’une très grosse expérience acquise depuis dèjà près de 4 ans dans les raids en milieux polaires, l’expédition a été une totale réussite. Cependant les dangers étaient réels :
– Les crevasses, très nombreuses et pas toujours visibles représentent le danger principal.
– Les conditions climatiques climatiques très dures (moyenne de -17°C) et surtout un vent souvent très violent.
– Les gelures pouvaient venir très rapidement si la transpiration était trop importante.
– Le mauvais temps (pendant plusieurs jours d’affilée) rendait quasi impossible toute évacuation sanitaire immédiate.
Le Pôle Sud au bout des spatules (Dauphiné Libéré)
CHAMONIX. Après presque 50 jours d’une traversée d’un désert…blanc, les cinq marcheurs du Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM) touchent au but. Ils ne sont plus qu’à une petite centaine de kilomètres du Pôle Sud. Ils auront relevé le défi en atteignant ce point extrême du continent antarctique en autonomie totale.
Partis le 21 Novembre dernier de l’île de Berkner, le Capitaine Thierry Bolo, le lieutenant Antoine De Choudens, le major Bernard Virelaude, l’adjudant François Bernard et le sergent chef Antoine Cayrol voient le bout de leur très long périple. Depuis le début de cette traversée, leurs journées se passent inéxorablement de la même manière. Elles débutent par un petit-déjeuner et le pliage du Bivouac. Puis commence la marche (30 km environ) ponctuée, par sept ou huit pauses. Ensuite vient l’heure d’installer un nouveau bivouac et de communiquer à la base arrière de Patriot Hills avec le médecin de l’expédition, le Commandant Couzineau. Moment privilégié où ils peuvent aussi envoyer des messages personnels à leurs familles. Le tout dans une ambiance où l’alternance jour nuit n’existe pas.
Si la réussite est au bout de leurs spatules, le GMHM empochera le défi des trois pôles extrêmes du globe. Trois d’entre eux, Antoine Cayrol, François Bernard et Antoine de Choudens, ont déjà accroché à leur palmarès l’ascension de l’Everest, respectivement en octobre 93 et au printemps 97. Les mêmes accompagnés de Bernard Virelaude détiennent la première française de la traversée du Pôle Nord après 55 jours de marche de 1000 km. Ce challenge des trois pôles constituera une seconde mondiale. Depuis leur départ de l’île de Berkner, les cinqs marcheurs ont rencontré des conditions moins rudes qu’au Pôle Nord. Les températures sont moins froides avec une moyenne de -15°c. Le « White Out » (jour blanc) par contre, les a souvent gênés dans leur progressions. En atteignant le pôle sud, ils auront dans les jambes près de 2000 mêtres de dénivelée en tirant leur pulka chargé de 100 kg de matériel et ravitaillement. Les plus fortes pentes équivalentes à des pistes rouges (d’après leurs dires), ils les ont franchies en traversant le massif de Pensacola. La dernière partie du parcours est un immense no man’s land avec pour unique couleur, le blanc glaçé. Leur arrivée au point plus bas de l’hémisphère Sud est prévue pour …demain. Plus ils s’approchent du Pôle et plus les contacts radio sont mauvais. Certains jours, seule la balise argos atteste de leur avancée quotidienne. En arrivant, ces aventuriers seront vite remis dans le bain de la civilisation. En effet, Xavier Roy, de France 2, est sur place pour tourner un reportage.
Récit de l’expédition
Après le Pôle Nord et l’Everest, il ne manquait plus que le Pôle Sud pour achever notre challenge. Bien que la difficulté de cette expédition soit moindre, il nous a fallu parcourir 1300 km par des températures de – 30°C. Physiquement nous avons enduré des journées de plus de 8 heures de marche, où le moral était mis à rude épreuve par la monotonie du paysage.
L’aventure commence à Punta Arenas, ville située en Patagonie chilienne, battue par les vents traversant le détroit de Magellan. Le vol suivant doit nous mener sur le continent Antarctique à la base de Patriot Hill, celui-ci est souvent reporté pour cause de mauvais temps et il arrive que l’attente dure plus d’une semaine. Par chance, nous n’attendons que deux jours. L’avion Hercules C130 met 6H30 pour effectuer le trajet mais ses réservoirs contiennent le double de carburant pour effectuer l’aller-retour. Sur place, une nouvelle attente : bien que le temps soit idéal à Patriot Hill, l’île de Berkner, le point de départ de notre raid, est recouverte par les nuages. L’attente se résume aux repas et à une abondante lecture. Nous restons 8 jours sur place…
Partis le 5 novembre 1998 de France, ce n’est que le 20 que nous sommes à pied d’œuvre au bord de l’île de Berkner à 1300 kilomètres du Pôle Sud. Cette fois-ci nous sommes 5 : Thierry BOLO, Bernard VIRELAUDE, François BERNARD, Antoine CAYROL, et moi même Antoine Cayrol.
La longue marche commence alors, quatre grandes parties distinctes vont jalonner notre itinéraire. Tout d’abord l’île de Berkner : ce sera la zone la plus ventée du parcours, nous essuierons une grosse tempête de vent. Cette île culmine à 600 mètres d’altitude et subit encore l’influence des perturbations maritimes. C’est aussi sur cette île et un peu plus loin encore que nous verrons les seuls êtres vivants : des oiseaux (pétrels d’Antarctique) viendront nous rendre visite et picorer les quelques miettes que nous laissions.
Après l’île, nous passons sur l’ » Ice Shelf « , bien entendu nous ne voyons pas la différence tout est recouvert de plusieurs centaines de mètres de glace et de neige. Un » Ice Shelf » est un endroit où la calotte glaciaire repose non pas sur la terre mais sur l’océan. Cette partie est la plus basse et donc la plus tempérée, la neige glisse bien et hormis le brouillard, le temps est clément.
Plus loin une zone montagneuse nous attend, ce sont les Monts Dufek appartenant à la chaîne Transantarctique. Une pente imposante nous permet de passer du niveau de la mer à une altitude de 1200 mètres.
La météo capricieuse ne nous aura permis de voir les montagnes que par intermittence. Dommage car, en tant qu’alpinistes, c’était l’un des attraits du voyage ! Une fois sur le plateau, la quatrième étape consiste en une lente montée jusqu’au Pôle Sud. Les pulkas sont plus légères, mais elles glissent mal à cause du froid intense. De plus la calotte est parsemée de sastrugis, ces petites dunes de neige dure qui entravent notre progression. Grâce aux renseignements glanés avant le départ nous évitons au prix de légers détours les immenses champs de crevasse du plateau Antarctique.
Le 9 janvier 1990 après cinquante jours de marche, nous atteignons enfin le Pôle Sud. Les scientifiques de la base nous accueillent et nous autorisent à prendre une douche bien méritée. Notre joie est intense, c’est l’aboutissement de cinq années de travail, d’entraînement et d’expériences plus ou moins concluantes. On en ressent presque une sorte de vide, mais bien vite de nouveaux projets fleurissent dans nos esprits, d’autant plus que l’attente est très longue. Nous sommes bloqués deux semaines au Pôle Sud à cause des conditions météorologiques et pour des raisons plus obscures que la compagnie de transport ne nous dévoilera pas (grève des pilotes !?)
Cette période est mise à profit pour visiter la base. De nombreuses études sont effectuées entre autres sur les gaz à effet de serre, sur la couche d’ozone, sur les neutrinos ou bien en astronomie (c’est un des meilleurs endroits de la planète pour observer les étoiles). De plus une nouvelle base est en construction pour 2005 et les travaux, ainsi que la technologie employée sont phénoménaux. Nous sommes aussi autorisés à utiliser la salle de sport (comme si nous étions en manque !), la cafétéria, la bibliothèque et les salles de jeux.
Encore 8 jours d’attente supplémentaires à Patriot Hill et le 3 février nous rentrons enfin en France et retrouvons enfin nos proches pour qui ces trois moins d’attente ont dû sembler beaucoup plus long que pour nous.