1er contact avec la face
7 octobre 2016
Après deux jours de marche depuis Thamé nous découvrons le camp de base installé la veille par une partie de l’équipe népalaise. L’endroit est ouvert, la vue saisissante sur les sommets alentours et sur la face scintillante que nous prétendons gravir. L’altitude est de 5200m, c’est la limite de la végétation et les tentes sont anarchiquement disséminées dans un oasis gazonné au milieu d’un océan minéral. Un petit torrent serpentant à quelques mètres du camp et quelques fleurs apportent leur touche de poésie à ce bucolique tableau. Pour le côté pragmatique, l’endroit bénéficie d’un ensoleillement généreux, aussi indispensable au moral qu’a la production d’électricité. L’eau courante simplifie grandement le quotidien. Vous l’aurez compris, le confort n’est pas négligé et nous sommes loin d’être à plaindre dans cet environnement grandiose.
Une première journée est consacrée à la finalisation de l’installation électrique, au tri du matériel et de la nourriture. La météo n’est pas exceptionnelle mais laisse envisager une incursion dans la face du Nangpai gosum.
Nous partons donc dès le lendemain vers le camp de base avancé aidé dans le portage par l’équipe locale ainsi que jean Yves et Benoit. Cette partie est absolument déplaisante, il faut prendre pied sur le glacier en descendant une moraine mouvante puis cheminer au mieux à travers de gros blocs instables pendant plusieurs heures. Le camp de base avancé serait idéalement installé au pied de la face mais séracs et grosses quantités de neige offrent un cocktail dont nous préférons nous éloigner. Nous consentons une approche plus longue de trente minutes au profit d’un emplacement plus sûr pour nos tentes. Un rapide au revoir et nous nous retrouvons à 4 grimpeurs et une grosse montagne au-dessus de la tête.
Il est trois heures du matin lorsque le réveil sonne. Un coup d’œil à l’extérieur pour constater un épais brouillard qui nous inciterait presque à replonger dans le douillet de nos sacs de couchage. Un sursaut de motivation nous permet de sortir de la tente, le ciel se dégage. Une lune famélique peine à nous éclairer et nous coute quelques errements sur un glacier sans repères. Malgré tout, nous troquons rapidement bâtons contre piolets et allégeons nos sacs des cordes, crampons et autres accessoires barbares pour les rendre à leur vocation de verticalité.
Les heures suivantes ont été résumées par Antoine Bletton dans son chef d’œuvre littéraire : « pied droit, pied gauche… ». La montagne se redresse à mesure que le soleil prend possession des lieux et nous rejoignons un endroit abrité de tous les projectiles que peuvent engendrer 1500 mètres de neige, glace et rocher exécrables par une température saharienne. Il est encore tôt et nous sommes circonspects à l’idée de façonner ici un emplacement correct pour deux petites tentes. Quelques heures de labeur épuisant nous sont nécessaires mais le résultat est convainquant. Ces plateformes seront les bienvenues lors de notre prochaine visite car la décision est prise de descendre le jour même. La face se nimbe d’un épais brouillard qui stoppe la convection et les chutes de pierre et de neige qui s’y associent. Rassurés, nous nous élançons dans les rappels mais quelques rayons de soleil s’immiscent au travers des nuages et déclenchent des salves de pierres qui nous rappellent à l’ordre. Le soleil descend plus vite que nous et la nuit prend rapidement possession de la montagne, figeant dans la glace la dangereuse canonnade. Les gestes de rappels se succèdent machinalement et presque sans nous en rendre compte nous revenons à notre point de départ puis nous nous effondrons dans les tentes du camp de base avancé.
Au matin, la résolution de rentrer tranquillement s’évince dès les premiers pas. L’attraction du camp de base et l’émulation engendre un retour au pas de course à travers le chaos de blocs. L’accueil est conforme à nos attentes et nous passons d’une marche effrénée à une oisiveté quasi-totale. Tendi, le maître des lieux et également le plus savoyard des sherpas connaît nos faiblesses et sait nous gâter à force de reblochons et autres friandises absolument improbables au fin fond du Khumbu.
Le rythme d’une expé est dicté par la météo. Celle-ci nous offre cinq jours de repos ou la plus grande préoccupation, outre quelques douches et une lessive, est de ne rien faire pour favoriser une récupération maximum. Les joueurs de cartes s’amusent à jouer aux cartes tandis que les non joueurs s’amusent à regarder les joueurs de cartes. On lit, on écoute de la musique, parfois on regarde un film. La vie au camp de base est bien agréable en attendant le prochain sursaut de beau temps.
Adj Moatti, camp de base du Nangpai Gosum.
NEPAL 2016 : Depart imminent dans la face
14 Octobre 2016
« Vendredi 14 octobre.
Douzième jour au camp de base.
Cinquième jour de beau temps.
Cinquième jour de vent violent au sommet du Nanpai Gosum.
Tous les jours nous guettons l’arrivée du bulletin météorologique à la recherche d’un créneau d’ascension.
L’attente est longue mais la patience est de rigueur. Les activités pour tuer le temps sont variées, nous en avons filmées quelques-unes…
15 heures au camp de base, l’appel téléphonique, que nous venons de passer à Yann de Météo France, confirme la baisse de la vitesse du vent qui se profilait depuis quelques jours. Le jour le moins venté pour être au sommet serait mardi, et pour être plus précis, au environ de midi.
Après des jours et pour certains des nuits d’observation de la face, le plan d’ascension est maintenant bien défini.
Si tout va bien, il doit se dérouler de la manière suivante :
Samedi 15 : déplacement vers le camp de base avancé.
Dimanche 16 : montée au camp 1 (6200m), situé sous un abri rocheux, que nous avons reconnu la semaine dernière.
Lundi 17 : franchissement des principales difficultés pour aller ensuite rejoindre le camp 2 (estimé entre 6800 et 6900m) situé sur une fine arrête de neige.
Mardi 18 : départ nocturne pour tenter de rejoindre le sommet vers midi afin de bénéficier des conditions de vent les plus favorables. Puis retour au camp 2.
Mercredi 19 : descente du camp 2 au camp de base avancé si les conditions de la face le permettent.
Les vivres de courses ont été conditionnés en fonction de ce déroulement.
Le froid de ces derniers jours a maintenu la face en bonnes conditions.
Le moral est excellent, y a plus qu’à, comme on dit !! »
Jean-Yves Igonenc
Retour vers le camp de base avancé
17 octobre 2016
Dernières infos du camp de base, l’équipe qui était vers 6700m à la mi journée doit redescendre car Mathieu Maynadier a reçu un bloc de glace sur le bras. Il n’y a rien de cassé mais l’hématome l’empêche de grimper dans des longueurs techniques : c’est pour cela qu’ils redescendent. Ils profitent de la bonne visibilité (pleine lune et beau temps) et du gel pour redescendre cette nuit au camp de base avancée où ils seront rejoint par le reste de l’expédition (chef, médecin et porteurs).
La base arrière du Groupe.