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Yves Tedeschi

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Pendant combien d’années êtes vous resté au GMHM ?
De 85 à 92 donc 7 ans.

Vous êtes retraité de l’armée. Pouvez vous nous donner vos affectations successives ?
Avant d’être au Groupe, j’étais au 93ème Régiment d’Artillerie de Montagne à Varces. J’ai ensuite passé la fin de ma carrière militaire à la Valbonne au 68ème Régiment d’Artillerie.

Quel était votre rôle dans les locaux du Groupe ?
Je m’occupais de la nourriture.

Que pensez vous que votre passage au GMHM vous a apporté ?
J’ai vécu au Groupe une expérience humaine très particulière. Je pense aux expéditions durant lesquelles on vit avec les mêmes personnes pendant des semaines, voire des mois. Mon passage au GMHM m’a aussi permit de gravir des montagnes où je n’aurais jamais pu aller sinon.

A quelle expédition du Groupe avez-vous participé ?
– Alaska 84
– Gyachung Kang en 86
– Lhotse Shar en 87
– Pérou en 88
– Indrasan 89
– Aconcagua 92

Aviez vous un domaine de compétence spécifique en montagne reconnu par les autres membres du Groupe?
L’altitude.

Comment les décisions étaient elles prises au Groupe ?
L’autorité du chef du Groupe (Marmier) était omniprésente. C’était lui le patron. Cela dit cela évite toute tricherie. Cela peut paraître un peu rigide mais à la fois, pour quelqu’un qui est un peu droit, et qui fait son boulot en expé, cela n’était pas dérangeant

Une histoire qui vous fait sourire ?
Une course à la face nord des Droites avec Antoine Cayrol qui à ce moment était à la DDS (Direction Des Stages de l’École Militaire de Haute Montagne) et je m’entendais très bien avec lui.
On grimpait ensemble. Il n’avait pas l’expérience du haut niveau, si on peut parler de haut niveau. Et je me disais cela serait bien qu’il se fasse un peu la main (j’aspirais à ce qu’il vienne au Groupe).
On part là bas, je grimpais en tête. J’arrivais dans le mixte en haut, sortie de la pente de glace, et à un moment donné, il y avait une sangle avec un clou pourri et je me suis dit, certainement qu’il va arriver là et qu’il va tirer dessus parce que il y avait un passage dur en rocher.
On était en corde tendu (évolution à corde tendu entre les deux grimpeurs avec des points d’assurage entre eux). Donc j’arrive un peu au dessus et je fais un relais vite fais sur le premier bloc que je vois en étant persuadé qu’il allait tirer sur ce clou et tomber avec.
Et arrivé là, cela n’a pas manqué, il a tiré dessus, et, voyant qu’il tombait et pensant que j’étais encore à corde tendu plus haut, il s’est dit qu’on était foutu et il a hurlé comme un fou. Et moi j’étais écroulé de rire au relais parce que je savais qu’il était solidement assuré. On en rigole encore ensemble aujourd’hui.

Pouvez vous nous parler d’une expédition en particulier (organisation, problème logistique ou administratif, voyage,…) que vous avez faite avec le Groupe ?
Le Lhotse Shar.Du point de vue de l’organisation, s’occuper de la nourriture est un casse tête : les gens se plaignent au bout de quelques semaines parce qu’ ils n’ont pas ce qu’ils veulent etc… Et il est dur de contenter tout le monde.
On avait eu aussi des problèmes d’autorisations : une expédition de Yougoslaves avait aussi obtenu une autorisation pour faire la même voie. Leur camp de base était dans une autre vallée mais la voie était commune en fait. Après de nombreux aller retour à Katmandou, en fin de compte, c’est nous qui l’avions obtenu. Mauvais perdant, ils sont partis et en redescendant, ils ont coupé toutes les cordes.

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Comment vous retrouvez vous seul au sommet ?
Cela faisait plusieurs semaines qu’on galérait, bloqué au dernier camp à 7000m. Et chaque fois qu’une équipe essayait de faire le sommet, il y avait du mauvais ou du trop gros vent. Puis moi, à force de faire des aller retour, je me suis rendu compte que la nuit il faisait relativement beau. Alors j’ai dit à Estève (commandant le Groupe à l’époque) qu’il faudrait qu’on y aille de nuit. Il m’a dit que s’était notre dernière cartouche (cela faisait plusieurs tentatives et nous étions un peu fatigué).
Je pars avec son équipe et arrivé à 7000m à 18h, je lui dis qu’on devrait repartir à 22h. On a mangé et on est reparti, Pierre Royer, Alain Etève, un sherpa et moi.
Arrivé à 7500, Estève se gelait les pieds et Royer était fatigué. Ils ont décidé de faire demi tour. Je leur ai dit que vu où on était, je voulais continuer. Accompagné du sherpa, nous sommes montés jusqu’à 8000m. Il n’a pas voulut continuer parce qu’il n’y avait plus de corde et il s’est arrêté là.
J’ai continué jusqu’au sommet. C’était particulièrement physique ; j’étais sec : 1400m à faire la trace…
Pendant cette même expédition, Estève et Gramond on fait un décollage en biplace au milieu de la voie à 7000m.

Quel est votre meilleur souvenir au Groupe ?
Je n’ai pas de meilleur souvenir au Groupe, j’ai plein de meilleurs souvenirs.

Quel est, à votre avis, le principal enjeu du GMHM pour les prochaines années ?
Ce n’est pas une remontrance mais je pense qu’il faudrait médiatiser plus le Groupe. C’est propre à l’Armée, peut être. Je pense aux derniers Jeux Olympiques d’hiver où l’armée de terre (à travers l’Équipe de France Militaire de Ski) ramène 5 médailles dont 2 d’or sur les 9 médailles françaises : en a-t-on vraiment parlé ?