Depuis quelques années un créneau météo de beau temps semble apparaitre de manière récurrente entre les 10 et 20 Mars. Hasard qui se répète ou changement climatique installé ? Pas de quoi établir une règle mais les grimpeurs ont bloqué à l’avance ces semaines 10 et 11 pour tenter une jolie ascension en fin de période hivernale. La fenêtre anticyclonique est bien là, mais seulement pour 5 jours et avec un fort vent du nord en début de période. Le projet d’une voie mythique dans la face nord de l’Eiger n’est pas envisageable et c’est en direction des faces nord du massif que les alpinistes jettent leurs piolets et leurs crampons.
Toujours dans les starting-blocks, le premier à partir est le Caporal Max Bonniot. Il forme une solide cordée avec Pierre Labbre et Léo Billon. Ils partent pour 5 jours dans la face nord des grandes Jorasses et la fameuse voie « Rolling Stones ». Presque aussi à l’aise à la plume qu’au piolet, Pierre nous raconte leur aventure :
« Le lundi 13 mars au matin nous prouvons notre détermination sans faille en réussissant à prendre la première benne de l’aiguille du midi sans réservation. C’est sûr, la lune est avec nous. Le temps de se réchauffer les cuisses dans la vallée blanche nous nous retrouvons à la jonction du glacier de Leschaux. Il fait bon, on ne s’enfonce pas trop et à 11h30 nous nous équipons au pied de la voie pour commencer à grimper. Nous attaquons par la voie Cassin car les goulottes de départ de « Rolling Stones » sont complètement sèches. Puis Max en tête, nous retrouvons la voie et notamment le bivouac de R9 après quelques longueurs mixtes. Pendant que Max fixe la longueur suivante Leo et moi terrassons avec peine pour avoir la possibilité de dormir assis. Une mauvaise nuit plus tard, c’est Leo qui part bille en tête pour nous mener au névé intermédiaire. Nous nous mélangeons un peu les pinceaux entre le topo « Perillat-Glairon » et celui de « Moulin », en fait c’est celui des « Tchèques » qu’il aurait fallu. Mais nous arrivons à R16 un peu étonnés avec des passages en bon rocher et dans les difficultés annoncées.
Je saisi à ce moment-là l’opportunité de gravir en tête les longueurs en mauvais rocher qui nous mènent à R20, un bon bivouac sur une belle vire légèrement décalée de la voie. Max refixe une longueur, nous terrassons, mangeons, dormons et repartons le lendemain vers la traversée sèche et délitée du passage clef de la voie.
Max s’y emploi avec autant de légèreté que possible et en deux longueurs retrouve le rocher pourri qui attendait ma venue pour se désagréger. J’essaie de gérer à la fois mon jeu de friends et mes appuis pour me sortir de ce mauvais pas et finalement j’y parviens. C’est le moment de rejoindre et de quitter la rampe de la voie « Desmaison » vers la voie « Cassin ». Rapidement, Léo prend les devants et nous emmène au sommet plus rapidement que nous espérions. Nous le retrouvons au soleil couchant au sommet de la pointe Walker, ou un bivouac froid mais confortable conclue notre belle aventure ».
Les autres ascensions se jouent dans la face nord des Drus.
Commençons par la cordée de 3 grimpeurs, composée de deux membres du GMHM : l’Adjudant-chef Arnaud Bayol, et le Caporal-chef Antoine Bletton. Le troisième de cordée est un commando du 4eme Régiment de chasseurs de Gap: le sergent-chef Alban Alozy.
Après un bivouac lundi 13 mars au pied de la face nord, ils attaquent la voie Lesueur à 5h du matin. A trois grimpeurs, les longueurs assez soutenues prennent du temps. Trop de temps. A 22h, n’ayant pas trouvé de bon emplacement de bivouac (il est en fait 100m au-dessus), ils décident de redescendre en rappel et regagnent leur tente à 5h du matin ! Une longue journée en montagne et bien sûr de la déception. Une expérience qui souligne l’importance de l’entrainement spécifique pour ce genre de face, ou la rapidité et l’expérience sont les clefs de la réussite.
De retour au Grands Montets, ils croisent les collègues Dimitry Munoz et le sergent-chef Cyril Duchêne (EMHM) qui se dirigent vers cette même voie « Lesueur ». Ils leurs conseillent de partir plus tôt et plus léger (sans matériel de bivouac) pour tenter une ascension à la journée. Il faut toute l’énergie, la motivation et l’expérience d’un Dim Munoz déchainé pour réaliser une telle mission. Jeudi 16 mars, après un départ à 3h du matin c’est chose faite. La cordée gagne la brèche des Drus à 18h et le pied de la face à 21h30. Bravo.
Dans le même temps et à quelques mètres de la « Lesueur » une autre cordée s’escrime dans la face nord. Le Caporal-chef Sébastien Ratel fait équipe avec Jérôme Para. Ils sont motivés par la répétition hivernale de la fameuse « Voie des guides ». En 2 jours ils remontent cette ligne historique mais finalement très d’actualité. Sébastien nous raconte cette expérience :
« Lundi 13 mars après un petit passage par la bibliothèque de l’ENSA, nous montons dormir au sommet des Grands Montets avec Jérome Para. Notre idée est de parcourir la voie des guides en face Nord des Drus. Cette voie énigmatique, ouverte en 8 jours en hiver, il y a 50 ans par l’équipe de Yannick Seigneur a très peu été répétée. Personne ne l’a surement reprise en hiver. Les dernières tentatives n’avaient pas trouvé la sortie. Au petit matin du 14 nous attaquons de magnifiques longueurs avec notre petit topo de 1967 en poche. Quelques pitons nous confirment que nous sommes dans la voie. Les longueurs d’artif à pitons de l’époque laissent place aujourd’hui au dry tooling, très moderne et très raide. Nous bivouaquons à la niche. Le lendemain les longueurs d’anthologie se succèdent, le dry reste la forme la plus logique de grimpe ici. Nous sortons vers 17h à la brèche des Drus. Laissant derrière nous quelques pas d’artif. Alors avis aux répétiteurs pour terminer le tableau proprement ! »
Maintenant place à la récupération et bien sûr à l’entrainement et la préparation des futurs projets et expéditions du printemps.
Cch Antoine Bletton.