Voilà quelques années que l’équipe du GMHM envisage un séjour cohésion autour de la cascade de glace. L’idée est d’organiser une « mini expédition » avec un « camp de base » en lodge, puis rayonner dans les vallées alentours pour trouver les meilleures lignes de glace.
Cette activité est par définition dépendante des conditions. Il parfois difficile d’avoir des informations sur les cascades déjà formés et grimpables. Nous prenons le pari de nous rendre en Norvège. Ce pays est considéré comme une des meilleures destinations pour la cascade de glace. La morphologie de ces plateaux qui se jettent dans la mer en formant des Fjords. Ces accumulations de neige qui s’écoulent et figent le long des parois. Un froid continu mais pas polaire… Tous ces facteurs contribuent à la construction de cascades de glace aussi mythiques qu’éphémères.
Deux membres de l’équipe ont déjà effectué un séjour cascade de glace en Norvège et ont une bonne idée de l’énorme potentiel du pays. Un coup d’œil sur les météos des différentes régions, un peu de recherche sur internet, quelques mails aux grimpeurs locaux et la destination est arrêté. Ce sera autour de Laerdal. Dans la région des Fjords.
Le 02 février nous voila dans l’avion direction Bergen, dans le Sud-Ouest de la Norvège. Après 3h de voiture sur des routes gelées, le nez collé à la fenêtre pour repérer les cascades de glace, nous arrivons à Laerdal, notre camp de base pour les 9 prochains jours.
L’équipe est constituée du commandant Lionel Albrieux, du capitaine Didier Jourdain, de l’adjudant Sébastien Moatti, de l’adjudant Arnaud Bayol, de monsieur Dimitry Munoz, du caporal-chef Sébastien Ratel et du caporal Antoine Bletton.
Le premier jour est consacré au repérage. Armés de nos appareils photos et quelques paires de jumelles, nous sillonnons les vallées autour de Laerdal, à la recherche des lignes de glace. Le premier constat est assez positif. Ce ne sont pas les meilleures conditions du siècle, mais il y a de belles cascades bien formées. Cependant les monstres de glace de la vallée de Gudvangen ne sont pas encore grimpables, peu être plus tard dans le séjour si les températures restent négatives…
La zone ou les cascades sont les plus belles et les mieux formées est la vallée de Rasdalen, au dessus du petit Village de Mo et très proche (20 minutes) de notre camp de base de Laerdal. C’est donc la que nous grimperons les premiers jours.
Rasdalen, premier Acte : Kjorlifossen (III – 400m – 5+)
Cette cascade magnifique située au fond la vallée de Rasdalen sera une parfaite entrée en matière et malgré des conditions pas si faciles, une parfaite reprise. Grimpée par Seb Ratel et Antoine, puis par Didier, Dimitry et Seb moatti qui nous en fait le récit :
« Pour démarrer ces dix jours consacrés à la glace verticale, notre choix s’est porté sur Kjorlifossen. Si les itinéraires qui font la réputation de ce coin de Norvège sont les plats de résistance, la cascade de Kjorli est l’apéritif. Une approche simple et peu exposée, une difficulté raisonnable et une solidité à toute épreuve sont nos principales motivations pour nous familiariser en douceur avec la glace nordique.
Elle se dresse au fond de la vallée de Mo, rapidement accessible depuis notre camp de base de Laerdal. Ses voisins sont des mastodontes nommés Thorfossen et Kvignagrovi (Focus).
Une première longueur sur un cigare relativement raide puis une pente de neige nous amène au pied des trois longueurs du mur principal. Ici les méduses sont reines et la difficulté est à l’appréciation du leader qui choisira de faire fumer les biceps dans une directissime ou plus sagement de louvoyer pour choisir l’itinéraire le moins raide. »
Rasdalen, deuxième Acte : Thorfossen (IV – 500m – 6) :
Un peu plus bas dans la vallée, deux cascades mythiques nous attirent ; Il s’agit de « Thorfossen » et « Kvignagrovi (fokus) ». Elles ressemblent presque à des grands itinéraires de montagnes. Deux parties verticales séparées par une pente médiane plus facile. Les murs terminaux de ces deux monstres de glace sont d’une beauté à couper le souffle. Le bas de « Fokus » semble très fin et la longueur clef de « Thorfossen » ne semble pas formée, cependant il existe une variante par une rampe. De toute façon il faut aller voir de plus près pour se rendre compte. 06 février, 6h du matin, Dimitry et Antoine sont au pied de la marche d’approche. Après un échauffement des plus sympathique qui consiste à remonter un canyon rempli de gros blocs recouverts de neige, les voilà au pied de la première longueur :
« Nous éteignons nos frontales et grimpons ce premier mur de 60m en 5. Après un bon échauffement des quadris dans l’approche ce sont maintenant nos épaules et avant bras qui sont réveillés en douceur… Une deuxième longueur plus facile nous dépose dans la pente médiane. Encordés à 60m, protégés par 2 bons points, nous remontons ces pentes chargées qui inspirent une confiance plus que moyenne. La longueur clef n’est pas formée et nous choisissons de suivre les traces de l’ouvreur Guy Lacelle, qui en 2002 évite le crux par un système de vires faciles (M3 et 3). Le mur terminal est incroyable. Il nous faudra 4 grandes longueurs pour en venir à bout. D’abord par un petit freestanding en glace très sèche, puis par un mur très sculpté, offrant des formes aussi mythiques à grimper qu’à regarder. Jamais débonnaire mais pas non plus extrême, les longueurs s’enchainent, l’heure tourne et nous voici à 16h sur le plateau sommital. La nuit approche et il ne faut pas trainer. Les rappels s’enchainent jusqu’ au pied de la cascade à 17h30. Nous rallumons les frontales à l’endroit même ou nous les avions éteintes ce matin. Il ne nous reste qu’à descendre par le canyon jusqu’à la route, ou les autres grimpeurs nous accueillent et nous félicitent. Une (très) belle et longue journée de glace !
Gudvangen et les monstres de glace :
Cette vallée abrite des cascades parmi les plus belles, les plus longues et les plus dures du monde. Arnaud et Seb Ratel partent en repérage dans « Fosslimonster ». Un big wall de glace. Vertical sur 800m avec juste une petite vire médiane. Complétement attirante et effrayante cette beauté affiche des mensurations de rêve et de cauchemar : (800m – 6+ – M8). Le constat est assez simple : La première moitié, malheureusement la plus facile, les occupera toute la journée. Les conditions ne sont pas encore optimales et la météo annoncée ne va rien arrangée… Il fallait essayer pour se rendre compte et surtout il faudra revenir, pour régler ce compte !
Le charme de la Norvège réside aussi à côté de ces « king lines ». Depuis la route, nous observons une multitude de cascades. Des petits tubes, des beaux dièdres, des grands murs… Pas beaucoup d’informations, encore moins de topo de glace, difficile de savoir si les lignes que nous grimpons l’ont déjà été. Est-ce une ouverture ? Est-ce bien le plus important ?
Une ligne nous marquera un peu plus que les autres. Située en versant sud, donc en face de « Fosslimonster », plus précisément au dessus du lieu dit « Stalheimsoyni ». Le 8 février, Lionel, Dim et Antoine occupent une journée de temps maussade à grimper ce canyon constitué de ressauts verticaux en glace. 7 longueurs, 350m, cotation : 5 et M3. Nous baptiserons cette ligne « Pepofossen ». Et puis c’est toujours sympa d’ouvrir une voie avec le chef !
Rasdalen, clap de fin: Kvignagrovi (Fokus) (VI – 600m – 6) :
D’après les informations, cette cascade n’a pas été répétée depuis l’ouverture en 2005 par Will Gadd. Sa description ne donne pas forcément envie de la répéter : « Nous avons l’impression de grimper sur une pile de bouteilles vides. La dernière longueur, complétement déversante, nous la baptiserons Mr la mort ! »
Cependant, vu du bas, la ligne donne vraiment envie. Une incertitude sur un cigare qui ne touche pas dans le bas de l’itinéraire persiste. Il faudrait aller voir de plus près. Arnaud qui n’a pas ramené beaucoup de cascade depuis le début du séjour est vraiment motivé. Il forme une équipe solide avec Seb Ratel. Après un peu de mixte pas facile pour passer le bas, ils arrivent au pied du magnifique mur terminal. A 17h30, n’ayant pas de nouvelles de nos experts cascadeurs, nous remontons la vallée de Rasdalen et apercevons leurs frontales. Ils sont dans la dernière longueur. Un grade 6, assez délicat, de nuit… A 19h nous recevons leur sms du sommet. Il reste toute la descente, mais ils ont réalisé une vraie performance, du haut niveau en cascade de glace. Arnaud raconte :
« Notre projet initial était de tenter la difficile et épuisante « Fosslimonster » à Gudvangen. 2 jours auparavant nous avions préparés cette ascension en gravissant et équipant de lunules ses 350 premiers mètres (la marche d’approche). Malheureusement le redoux annoncé nous rattrapa avec pluie et vent chaud. A Gudvangen les nuits et les jours se succèderont au grès de températures positives.
le plan B:
Surplombant la vallée de Mo, nous avions repérés un incroyable mur de glace. Kvignagrovi rebaptisée « Fokus » par les ouvreurs en 2005. 600m de dénivelé séparant la première de la dernière longueur. Plusieurs grades 6 fragiles entrecoupés de physiques murs en 5-5+ de glace dure et lissée.
La température est légèrement négative à 8h00 du matin au pied de la cascade. La vallée de Mo est plus retirée dans les terres, l’air plus froid que dans les fjords. 2 choses semblaient pouvoir nous faire échouer: la 3ème longueur pas complètement formée ainsi que le risque d’avalanche dans le goulet à mi hauteur.
Finalement à 19h nous atteignons le sommet de cette merveille. Au fil des rappels, la neige fait place à la pluie. Fokus ne restera pas longtemps en condition. »
Canyon de Gol :
Sur la fin du séjour, les températures virent carrément au positif. Plus question de grimper des édifices suspendus. L’équipe décide de rendre visite au canyon de Gol. Sorte de frigo près de Hemesdal, permettant de grimper même si les conditions sont limites. Au parking, le thermomètre affiche +5°C. C’est plus que limite ! Après quelques longueurs sur des beaux piliers, nous décidons qu’il est préférable de grimper sur des lignes mixtes, protégées par des spits dans le rocher bien solide.
C’est une journée parfaite pour la cohésion car nous avons l’opportunité de grimper tous les 7 au même endroit, concluant en beauté ce très bon séjour en Norvège.
Caporal Antoine Bletton.