Avec l’adjudant Sébastien Moatti et le chasseur Max Bonniot, nous sommes intéressés par cette optique. Le caporal-chef Sébastien Ratel est le 4eme alpiniste qui compose ce « groupe haute altitude ». Pas disponible cette semaine, il nous organise néanmoins une super logistique, allant chercher nos ski à la rimaye du Linceul et venant nous récupérer au pied de la face sud des Jorasses. C’est aussi ça le groupe.
Le choix de la course a pas mal évolué dans les jours précédant l’ascension. Motivés par la « Demaison », notre routeur météo nous informe que le créneau n’est pas si beau : seulement 2 jours d’anticyclone et avec un fort vent du Nord. Nous choisissons un projet moins dur techniquement qui nous prendra moins de temps à grimper. Seb a repéré que la goulotte à gauche du linceul était formée. L’idée de faire la « Magic line » est lancée. (Attaque par « supershroud » et sortie par « directe à la pointe walker »)
Dormir au pied et grimper léger sans bivouac ? Non, plutôt grimper lourd et bivouaquer dans le linceul. L’idée d’un mauvais bivouac assis nous motive assez bien ! C’est surtout l’idée d’être en montagne qui nous plait. Nous avons passé tout l’automne et le début d’hiver en entrainement physique (salle de muscu et cardio). Nous avons envie de voir si un entrainement de sportif est adapté à l’alpinisme.
Nous voilà donc tous les trois, lundi 9 mars à la rimaye du linceul. La descente de la vallée blanche remplies de bosses gelés avec les gros sacs et les petits skis est toujours aussi sympa. La remontée en peaux jusqu’à la rimaye, toujours avec ces maudits gros sacs aussi !
L’idée de la goulotte de gauche est depuis longtemps oubliée. En fait, elle n’est pas du tout formée. Le linceul n’est d’ailleurs pas en top condition. Le vent a bien séché ce secteur des Jorasses et de la belle glace bien noire ressort par endroits.
Il est 12h quand nous attaquons. 4 belles longueurs de goulotte (70-80°) nous mettent dans l’ambiance et c’est partit pour la corde tendue dans les pentes de glace noire du linceul (50-60°). La grimpe n’est ni variée ni très sympa. Toujours les mêmes gestes : monter le piolet droit, monter le piolet gauche, monter le crampon droit, monter le crampon gauche. Toujours la même inclinaison, toujours la même mauvaise glace ! Ca n’avance pas, ça n’en finit pas et ça nous fatigue vraiment.
A 18h nous sommes à 3600m, autant dire qu’il reste un bon morceau. Nous cherchons un emplacement de bivouac mais dans cet océan de pentes, ça paraît compliqué. En rive gauche, une accumulation de neige contre le rocher paraît envisageable. IL nous faudra quand même 3h de terrassement avant d’avoir un bivouac avec 3 places semi assises. Bonne nuit ! En même temps nous l’avons bien cherché. Nous redécollons le lendemain à 7h.
Seb et Max ont essuyés quelques problèmes d’ordre digestifs (dirons nous pour rester polis). Malgré une mauvaise nuit et pas grand chose dans le ventre, la forme est quand même présente. Notre préparation physique à l’air de marcher !
Après 200m de pente de glace à 50° nous avons hâte de découvrir cette fameuse goulotte cachée, ainsi que la deuxième partie de l’itinéraire qui s’annonce plus soutenue.
La suite est une rampe de droite à gauche, jamais très raide (70-80°) avec du rocher moyennement solide et un fin plaquage de glace. Une dizaine de longueurs qui cotent 5+ en glace et M5 en mixte. L’ambiance est vraiment classe et la grimpe très jolie.
Nous débouchons sur l’arête des hirondelles ou le vent termine de nous congeler les pieds et les mains. 100m de mixte facile et nous sortons au sommet de la pointe Walker à 16h30. Bien contents mais un peu cuits …
Il nous reste la descente qui n’est pas connu pour être cadeau !
Un exercice particulièrement intéressant nous attend. Une croute de neige dure que l’on casse pour venir s’enfoncer jusqu’au bas ventre dans de la neige semoule.
Nous arrivons au refuge Bocalate à 20h et le lendemain à 11h à Planpincieux.
La combinaison coca-pizza que nous avalons n’est pas du tout au menu de notre régime, mais elle nous redonne des couleurs.
Débriefing : Qu’est ce qui a bien marché sur cette course ? Que reste t’il à améliorer ? Les projets pour la suite ?
Des projets nous en avons un paquet dans le coin de nos petites têtes. Face nord du Cervin ? Face nord de l’Eiger ? Une autre voie dans la face nord des Jorasses ? A suivre…
Caporal Antoine Bletton.