Après une montée matinale au Bivouac Eccles et une sieste méritée, nous prenons avec Léo le reste de l’après midi pour aller repérer l’accès au pilier. Les conditions de neige paraissent bonnes dans la traversée au pied de la face. Rassurés, nous faisons demi-tour vers le confortable bivouac. Malgré un isotherme très haut au dessus de nos têtes, nous avons trouvé ce matin un bon regel, meilleur que celui qui nous avait porté il y a une quinzaine de jours. Lorsque nous étions partis avec Seb Ratel pour le versant Brouillard, la neige avait préalablement moins chauffée. Ces deux semaines d’intense canicule ont transformé la consistance du manteau en névé, rendant l’accès plus commode et moins dangereux.
Il est 16h. Nous retrouvons au bivouac Jean-Luc et Jean Rémy qui viennent d’en terminer avec l’approche glaciaire. Nous passons une soirée sympathique avec cette cordée pour le moins non conventionnelle. La nuit, bien qu’exigüe pour certains, nous semble réparatrice. Nous sortons de notre refuge à 3 heures et le panorama est saisissant. Les lumières brumeuses de Courmayeur et des nuages qui bourgeonnent déjà au loin composent un tableau valable. L’instabilité annoncée aujourd’hui ne devant pas déborder sur une activité orageuse, nous pouvons profiter pleinement de cette approche sans lune. Derrière nous, deux frontales s’extirpent du bivouac inférieur. Les deux slovaques comptent bien en découdre eux aussi avec les raides longueurs de la Chandelle.
Le versant Frêney du col Eccles, bien sec, nous oblige à une désescalade puis à un rappel avant de rejoindre un terrain assez scabreux. En progressant ensuite à niveau, nous rejoignant la fameuse traversée en neige. Les bonnes conditions et les traces laissées par les dernières cordées nous permettent de gagner l’attaque de la voie avant que le jour ne se lève.
La première partie s’avère bien roulante et il est assez aisé de suivre le topo. Du IV en bon rocher alterne avec des vires parfois caillouteuses. Le terrain, hormis pour quelques longueurs plus raides et verglacées, reste facile. Nous prenons le temps de refaire fondre un peu d’eau à 9h, au pied des longueurs difficiles de la Chandelle.
Léo s’élance dans la première des deux, après avoir brillamment remporté le Chifoumi rituel. Il grimpe tranquillement sous un beau soleil. Après une cinquantaine de mètres d’une escalade soutenue, il fait relais au pied du crux. En hissant nos sacs et par cette météo parfaite, grimper ici est un plaisir certain! Je le rejoins après une traversée technique. Un homme-oiseau en profitera pour nous survoler et rejoindre rapidement le bas de la vallée. Le regarder nous émeut et nous nous concentrons à nouveau sur notre activité, un brin secoués…
Le relais suivant, suspendu sur quatre pitons, nous permet de réverser l’escalade. C’est non sans un petit pincement au coeur que je me résous à partir en libre dans la fissure suivante. Protégée par de nombreux pitons et autre matériel coincé, l’escalade s’avère intéressante. L’arrivée sous le toit et l’entrée dans la cheminée suspendue constitue la cerise de ce beau dièdre. Il faut de même ôter le casque pour s’extirper de cette partie finale avant d’empoigner de beaux bacs oranges et rétablir au relais. A 4500 mètres d’altitude, cette sympathique gymnastique nous coupe le souffle et nous nous employons tous les deux pour jouer le jeu du libre.
Encore trois longueurs très esthétiques bien que moins difficiles et nous débouchons sur le faîte du Pilier Central. Le sommet du Mont Blanc est atteint à 15 heures, et c’est bien heureux que nous arrivons au refuge pour l’heure du Gouter.
Le lendemain matin, la descente de ce dernier et surtout la traversée du Couloir éponyme nous laissera un goût acide. Mieux vaut, par ces chaleurs, faire le choix de la descente par la voie des 3 Monts.
Merci à Léo pour cette escalade ensoleillée.