Recluse au fond du bassin d’Argentière, cette ligne parcourt une belle muraille rocheuse pour finalement déboucher à la Pointe Raphaël Borgis. L’allusion des ouvreurs (S. Benoist et P. Pessi) à la légende briançonnaise était une énième invitation pour aller se frotter à ces belles longueurs de mixte. « Raph » était sans conteste un des grimpeurs-icône qui a marqué la petite sphère grimpante du haut val durance. Du conglomérat de Montdauphin au gneiss déversant de la Face Sud du Pavé, en passant par les horreurs glacées et suspendues de Freissinières, il a été un ouvreur particulièrement inspirant pour nombre de jeunes grimpeurs du coin. Comme pour toutes légendes, les rumeurs et les faits se sont peu à peu mêlés, mais peu importe, il était pour nous qui découvrions l’escalade, un gars à part. Les plus anciens nous racontaient les stalactites, les faces nord, son engagement. Nos mains devenaient moites au pied des voies qu’il avait grimpé en solo, en fin de séance qui plus est. Des voies que nous rêvions de faire encordés… Parce qu’eux l’avaient connu au lycée ou en montagne, il connaissaient ses habitudes, son obsession. Parce qu’il était un grimpeur visionnaire, parce que sa passion était totale, il nous inspirait.
Ainsi donc ce matin, alors que nous remontions le glacier d’Argentière avec Mathieu Détrie, (briançonnais lui aussi !), les vieilles histoires me revenaient à l’esprit. Un plaisir de se replonger dans ces bruits de couloirs. Pourvus qu’ils soient raides, glacés… et en solo!
Nous débouchons donc au pied de cette bien nommée montagne, le sourire aux lèvres aux vues des conditions que nous redoutions un peu. Les longues et chaudes journées d’Avril n’étant peut être pas forcément les plus judicieuses pour aller escalader cette voie mixte. Mais la glace remplit la première partie de l’itinéraire et les longueurs de goulotte sont parfaites.
Peu à peu, elle s’amincit et il faut se concentrer pour remonter les 50 mètres de la quatrième longueur. Un relais sur deux spits permet de se détendre alors que l’atmosphère se réchauffe en ce milieu d’après midi. La dernière longueur de rocher avant le névé ou nous bivouaquerons s’offre bien plus facilement que l’hiver. Nous pouvons grimper sans les gants, ce qui change considérablement la donne.
Après un bivouac très confortable, nous escaladons de magnifique longueurs où les protections sont excellentes. La qualité du rocher permet de grimper en libre sans arrière pensées. Ayant ouvert de sacrées horreurs dans l’Oisans, je me méfiais du Maître-Benoist, mais là il n’y a décidément rien à dire. Seulement le plaisir de grimper dans ces belles longueurs verticales.
Nous réversons donc jusqu’à une belle goulotte, haut dans la face. Les longueurs suivantes, bien que moins raides, restent très intéressantes. Finalement, après une petite traversée sur la gauche nous voici au pied du dernier ressaut vertical. Mathieu s’en charge et nous débouchons tout juste au sommet de la pointe Borgis. Un beau moment devant ce panorama grandiose. Merci Mathieu et aux ouvreurs pour cette voie magnifique.
Un beau clin d’œil!
Chasseur 1° Cl Bonniot