Vous avez suivi le GMHM en tant que médecin chef de l’École Militaire de Haute Montagne, je crois savoir que vous avez participé à une expédition. De laquelle s’agit-il ?
J’ai eu la chance de faire parti de l’expédition au Pérou en 1988(mai-juin-juillet). Le but était plutôt de faire une découverte du massif. On avait projeté de faire une série de voies normales plus quelques voies particulières. J’avais accompagné un peu tout le monde : on avait fait le Huascaran, l’Alpamayo, le Pisco. Le Groupe s’était un peu éparpillé pour essayer différentes voies. C’était l’expé où Estève avait sauté d’un avion en parachute, puis avait atterrit sur le sommet du Huascaran. Nous étions montés au sommet avec une deuxième voile de parapente qu’il a utilisé après son saut en parachute pour redescendre dans la vallée. C’était une expé un peu originale.
Quel était votre rôle pendant cette expé ? Pouvez vous nous parler un peu de cette expé ?
À l’époque je n’étais pas guide de haute montagne, mais mon carnet de course était déjà assez bien fournit. J’avais une formation de médecin de montagne spécifique (un diplôme inter-universitaire). C’est vrai que c’était un peu la première fois qu’un médecin avait la double casquette. J’ai essayé de me placer en tant que médecin montagnard. J’ai pu faire la quasi-totalité des sommets avec le Groupe (hormis les deux trois goulottes beaucoup plus difficiles). C’était ma première découverte avec les expéditions.
Quelle est votre activité professionnelle actuellement ?
Je fais du secours en montagne depuis près de 20 ans avec les hôpitaux du mont blanc et le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne. Mais je suis un peu en train de tourner la page pour en ouvrir une autre avec la mise en place d’un institut européen de médecine de montagne qui portera le nom d’IFREMMONT.
Puisque vous abordez ce sujet, en tant que membre fondateur de l’IFREMMONT (Institut de Formation et de Recherche En Médecine de Montagne : www.ifremmont.com), pouvez vous nous décrire un peu ce projet ?
On est soutenu par l’Europe et la région. Le projet devrait éclore l’année prochaine, après trois ans de préparation.
Les missions sont les suivantes :
– Faire un centre d’appel de détresse international : un numéro que l’on pourrait composer de n’importe où et à toutes heures du jour et de la nuit en cas de problème médical.
– Le développement de la télémédecine en utilisant les nouveaux moyens de télécommunication pour transmettre des images, des données, des électrocardiogrammes, des choses très poussées pour faire de la médecine à distance.
– Le développement de la documentation que nous mettrons en ligne sur notre site pour avoir tous les renseignements sur la médecine de montagne.
– L’ouverture d’un véritable observatoire d’accidentologie national pour développer la prévention.
– Le développement de l’action de formation des médecin de montagne et plus généralement tous les acteurs du secours : pompiers, gendarmes, infirmiers, guides…
L’ouverture des portes du centre IFREMMONT coïncidera avec l’inauguration d’un centre d’appel. En outre nous accompagnerons quelques expéditions « phares ». La première sera celle de Lionel Daudet aux Iles Kerguelen qui aura pour but de faire la traversée du Petit au Grand Ross. Je vais l’accompagner en essayant de faire des essais d’équipement pour les Terres Australes antarctiques Françaises. Après cela s’enchaîne une deuxième opération du nom de Damoclès. Il s’agit d’un projet scientifique européen sur Tara, le bateau d’Etienne Bourgois, qu’on laissera prendre dans la glace près du Pôle Nord pour ensuite suivre sa dérive pendant 2 ans. Beaucoup de scientifiques européens viendront travailler sur la glace. IFREMMONT va être le partenaire médical en organisant le suivit de l’expé, par télémédecine quand l’équipe sera restreinte, et en envoyant un médecin sur le bateau quant il y aura plus de monde sur le bateau. Enfin on va engager une première ouverture d’un centre d’appel auprès des alpinistes en leurs proposant notre numéro de téléphone lorsqu’ils partent en expé. Nous allons aussi engager une action plus régionale pour travailler sur les douleurs thoracique des patients qui souffrent d’infarctus : le but est que les médecins isolés en montagne puissent envoyer des électrocardiogrammes et contacter des spécialistes pour pouvoir intervenir sur place et gagner des heures sur la prise en charge.
Pensez vous qu’il y ait un enjeu dans lequel le GMHM devrait, selon vous, s’investir particulièrement dans les prochaines années ?
Je trouve que le Groupe devrait plus s’associer à des actions mixtes sportives et scientifiques, d’autant plus qu’il y a aujourd’hui des enjeux pour la planète qui sont progressivement prit en compte. Je pense que cela serait bien si le GMHM amenait le grand public vers ces points capitaux que sont la science et l’écologie.
Souhaitez vous évoquer quelque chose en particulier dont nous n’avons pas parlé ?
Quand je suis arrivé au GMHM, j’ai eu un peu d’appréhension parce que je n’avais pas le profil militaire et je ne savais pas si je pourrais me mêler à cette ambiance. Et finalement j’en garde un très bon souvenir. Cela a été parfois rude mais ce qu’il en reste est très important. Cette expédition a été pour moi l’ouverture d’une vie particulièrement intéressante. J’ai gardé aussi des liens très étroits avec les gens du Groupe. Certains sont disparus en montagne, cet endroit qui ne fait pas de cadeau, et l’équipe était déjà petite.
J’ai un souvenir pour tous ces gens avec qui j’ai passé de grands moments ; je pense à Alain Estève et Jean-Marc Gryzka.