Acte 3 : Face Nord du Pic Gaspard
Troisième et dernière face nord de notre programme.
Paroi compliquée et très exposée, plusieurs lignes s’y entremêlent, mais quasiment aucune n’est praticable par ces conditions ; les chutes de pierres y rytment le temps, aussi sûrement qu’un métronome.
Pour remédier à cela, en 2012, le fin limier du massif Arnaud Guillaume se lance en compagnie du Cch Bonniot sur un éperon encore vierge. Ce pilier se distingue dans cette face car il se trouve à l’abri des déjections minérales caractéristiques de ce versant Nord du Pic Gaspard.
Ils y ouvrent une voie au nom évocateur, “Gérons la Canicule”.
Pour rajouter du charme à cette paroi, comme si ça n’était déjà pas assez, son accès est des plus problématiques. Tout le bas de la paroi est défendu par le glacier supérieur du Lautaret, qui se déverse de toutes parts en d’immenses cathédrales de séracs.
Face à cette barrière de glace, l’issue semble donc par le haut. Ce sera l’option retenue.
Sauf que, depuis le refuge de l’aigle, cela implique de monter à la Meije orientale, traverser les arêtes qui la séparent du sommet du Pavé, puis monter à celui-ci, en redescendre, et enfin se laisser glisser en rappel dans un couloir où le rocher a perdu toute dignité de cohésion et n’attend qu’une respiration mal placée pour se laisser tomber dans les bras de la gravité.
Tout ce petit manège pour parvenir à prendre pied sur le dessus de ce fameux glacier, à l’abri de ses séracs virulents, mais exposés aux chutes de pierres du Gaspard.
Coïncidence ou mauvais tempo, nous nous retrouvons justement à nous promener là-dessous lorsque le métronome décide de se mettre en branle.
Ajoutez à cela une frontale capricieuse et une pleine lune voilée par les nuages, et forcément notre parcours nocturne s’éternise. Il nous faudra pas moins de 5h pour rejoindre le pied du pilier convoité.
A peine une corde légèrement abîmée, que nous préférons tout simplement ignorer et nous voilà partis, une fois de plus en plein soleil. Décidément, ces faces nord, c’est plus ce que c’était !
Mis à part un épais lichen qui cherche à dissimuler les zones de bon rocher, et Camille qui rend sa liberté à un bloc de la taille d’un micro-ondes, la matière minérale sur laquelle on évolue est d’une qualité agréablement déconcertante.
Je me surprends même à éprouver du plaisir en grimpant certaines longueurs.
La voie souffre tout de même d’un ratio approche/grimpe désastreux, mais depuis quand vient-on dans l’Oisans sauvage pour la grimpe ? On vient chercher bien plus que le plaisir simple d’un beau mouvement…
Puis vient enfin le sommet, moment de plénitude, on en a terminé.
Ou peut-être pas. En tout cas pour moi, la plénitude, ça attendra ! En grand anxieux, le sommet est rarement un lieu d’explosion de joie car le spectre de la descente me hante constamment.
Ce n’est qu’une fois de retour à la Bérarde par le col du Clot des Cavales, la boucle belle et bien bouclée, que je savoure enfin pleinement notre périple.
CPL Billon Léo, Védrines Benjamin et Marot Camille.