Grand Pilier d'Angle - Voie de Belges - Septembre 2014

Trompe l’oeil au Grand Pilier d’Angle

Grand Pilier d'Angle - Voie de Belges - Septembre 2014
Grand Pilier d’Angle – Voie de Belges – Septembre 2014

Ne revenons pas sur notre étonnant été ou formidable hiver.

Pour un alpiniste seul le constat importe alors quand l’envie de l’été est d’aller arquer les cristaux de granite dans Divine Providence au Grand Pilier d’Angle il faut se résigner et troquer les chaussons pour des moufles.


Nous partons donc pour le bivouac de la Fourche lundi 1er septembre avec Sébastien Ratel sous un beau soleil … mais un froid de décembre sous les volutes de la bise alors que nous pensions étouffer sous la chaleur de l’après-midi. D’ailleurs il n’y a quasiment personne dans le « cirque » du col du midi. Un signe … C’est étonnant comme cette solitude nous étonne. L’angoisse … pourquoi il n’y a personne ? Une tempête, un incendie ! Pourtant tout semble être idéal, les conditions sont exécrables pour Divine Providence mais idéales pour la face nord du GPA.

Une longue goulotte remonte la voie des Belges qui est beaucoup en rocher dans sa version originale. L’Approche du Grand Pilier d’Angle que l’on peut aisément appeler « voie » d’approche, est parfaite : un rappel de la Fourche, désescalade, traversée du plateau jusqu’au col Moore, désescalade sur le plateau de la Brenva en rejoignant un couloir sur la droite.
Ici commence le loup noir du massif : la traversée sous les séracs de la Poire et de la Sentinelle Rouge. D’ailleurs l’expression est trompeuse car c’est aussi « sur » les séracs que l’on traverse … sur tous ceux qui sont déjà tombés. Alors que l’on se dépêche le cirque s’enflamme.

Le pire endroit devient … le plus beau ! Tient ne serait-ce pas là l’incendie ! Les crêtes de coq d’avalanches sont déjà dernières nous et au premier relais derrière un éperon qui nous protège un nouveau constat s’impose: pour une voie ouverte par des habitants du plat pays… c’est plutôt très raide ! Comme toujours d’ailleurs. Et la goulotte au soleil en plein été commence. La neige est parfaite mais dès le premier ressaut rocheux le plaquage est déjà plutôt humide au soleil…

Seb se blesse sérieusement la main. Je me débat dans deux courtes longueurs, la neige est plus friable. Un peu d’artif et quelques heures nous déposent dans la goulotte du dessus. Une rampe perchée, fine, longue… Puis un glaçon me broie l’épaule, dévalant du haut il nous rappelle que nous ne sommes peut-être pas en hiver !

Une traversée nous mène au pied de la goulotte terminale, raide, très raide. Magnifique. Seb s’y colle malgré sa main. La glace est parfaite ! Sur le haut les broches sont bonnes. Les lignes de fuites grandissent. Et la bise qui devait s’arrêter nous renvoie souvent au cœur de l’hiver. Deux grandes longueurs sublimes.

Encore un peu de mixte, une pente de neige puis Seb trouve sans hésitations à l’instinct le bivouac sous le gendarme. Alors commence comme toujours dans ce coin les digressions autour de ce lieu à la fois austère et pourtant si beau.

Une soupe, un coucher de soleil et un semblant de sommeil. Une autre cordée nous rejoint pour profiter de cette vire idéalement placée. Le lendemain la « voie » de descente commence par la longue arête de Peuterey tellement en condition qu’il faut faire la trace. Enfin le sommet du Mont Blanc.

Ce fut une ascension dans la confusion d’un hiver estival, d’une montagne aussi belle que dangereuse, de la bise au soleil, où l’approche et la descente font plus que jamais partie du jeu.

Didier Jourdain